Les petites boites au grand pouvoir de diffusion

Par Ivana Milicevic et Lëa-Kim Châteauneuf

Au printemps dernier, alors que la session tirait à sa fin et que nous étions, comme plusieurs, épuisé(e)s par le rythme fou des études à temps plein, nous avons décidé de profiter de l’impulsion du moment pour démarrer un projet exploratoire. Un projet personnel en lien avec la maîtrise en Sciences de l’information qui serait une plus-value à notre futur diplôme. Étant deux filles d’action, nous étions grandement intéressées par les projets hors les murs et la médiation culturelle délocalisée. Est-ce que la transmission du savoir, la médiation numérique, culturelle ou informationnelle doivent toujours se faire à l’intérieur des murs d’une bibliothèque? Nous sommes convaincues que non. Nous croyons qu’un des rôles des spécialistes de l’information est de rendre accessible le savoir sous toutes ses formes et dans tous les contextes.

C’est donc dans cette optique que nous avons entrepris quelques recherches sur des projets de bibliothèques délocalisées tels les bibliobus, bibliovélos, microbibliothèques ou des activités comme Lis avec moi dans la rue ou Ma tente à lire. En explorant l’univers des possibles, nous avons fait la rencontre des Dead Drops. Il s’agit d’une clé USB qui est intégrée dans du mobilier urbain et sur laquelle on partage n’importe quels fichiers. Les plus fins observateurs, curieux de découvrir ce que peut bien contenir une clé laissée à libre disposition, peuvent donc télécharger, téléverser ou tout effacer. Bien que dans une perspective artistique ce soit intéressant, des problèmes d’accessibilité et de sécurité nous semblaient évidents. Ce projet nous a menées sur la piste de la diffusion numérique et, de fil en aiguille, nous en sommes donc venues à découvrir le projet PirateBox.

Un peu d’histoire

Initié en 2011 par David Darts, enseignant au département des Arts de la New York University, ce projet lui permettait de partager des fichiers soumis au copyright sans avoir à passer par les serveurs de l’université. En bref, il a fabriqué un routeur sans fil émettant un réseau WiFi qui, une fois modifié, devient un centre de diffusion numérique localisé. Plutôt que de se brancher à Internet, on se branche à un serveur diffusant le contenu choisi. En plus du téléchargement de fichiers, des fonctionnalités supplémentaires ont été ajoutées. La PirateBox permet le téléversement de fichiers et offre un espace d’échange à travers un clavardage. Toutefois, le fait que quiconque puisse ajouter des fichiers ne plaisait pas à tous puisqu’il était impossible de contrôler la légalité des partages. Comment éviter le téléversement du dernier blockbuster ou celui du plus récent album de l’artiste en vogue? C’est pourquoi en 2012, Jason Griffey, un bibliothécaire, s’est inspiré de la PirateBox pour créer un projet similaire, mais plus « propre » et plus adapté aux valeurs généralement transmises en bibliothèque. C’est ainsi qu’est née la LibraryBox, aussi connue sous le nom de BiblioBox dans la francophonie.

docuBOX © Lëa-Kim Châteauneuf 2015

docuBOX © Lëa-Kim Châteauneuf 2015

De l’inspiration vers la création de projets

C’est ce projet qui nous a inspirées pour démarrer le nôtre. Nous l’avons baptisé docuBOX pour nous distancier de la bibliothèque et mieux représenter ce que nous voulions partager, des documents numériques. Nous avions en main un boitier, mais encore fallait-il trouver un contexte (et pourquoi pas plusieurs ?) pour en tester les fonctionnalités. Nous étions à l’affut de toutes les possibilités, animées par la curiosité de tester ce que provoque une nouvelle « offre de service » d’information. Déduire les besoins des utilisateurs, trouver et traiter des documents pertinents pour créer des collections modulables, imaginer des astuces promotionnelles pour rendre visible le boitier, sans parler des obstacles technologiques : voilà les défis de développement qu’il fallait relever. On avait les deux mains dedans ! Nous avons abordé le tout en étant créatives, déterminées et audacieuses. Il nous a fallu un peu d’humour et de légèreté pour passer par-dessus certaines embuches tout en faisant des compromis. Bref, on s’est amusées, guidées par les nombreuses compétences acquises lors de notre première année d’étude.

Le projet qui a demandé le plus grand investissement en temps et en énergie a été l’installation du boitier à l’Agora de la danse. Durant toute la saison d’automne, nous avons fait évoluer la collection au rythme des productions, en versant des documents exclusifs offerts par les artisans. Photos, vidéos, enregistrements sonores, journaux de bord, textes étaient partagés avec les spectateurs qui venaient assister aux différentes représentations. Ces derniers avaient ainsi accès à des clés de compréhensions supplémentaires pour mieux déchiffrer et donc apprécier le spectacle qu’ils venaient voir. Une valeur ajoutée numérique pour bonifier l’expérience culturelle du spectateur en plus d’être une proposition innovante qui réinvente les possibilités du programme de soirée. Trois autres docuBOX ont été proposées lors d’évènements ponctuels : une première à la journée d’accueil des nouveaux étudiants de l’EBSI, une autre lors de la table ronde sur la censure organisée par COLIBRI et finalement, une docuBOX accompagnant les dizaines de milliers de manifestants lors de la manifestation d’octobre dans les rues de Montréal. À chaque fois, de nouvelles découvertes nous ont permis de nous approprier encore davantage le boitier numérique.

Les moyens pour partager de l’information à travers un boitier numérique sont multiples. On peut penser à une diffusion simple de collections de documents libres de droits ou en Creative Commons (la collection complète de Jules Vernes, une collection de logiciels libres, des fanzines d’artistes du quartier, des albums de groupes émergents, etc.) ou une diffusion plus complexe avec une architecture HTML5 et l’intégration de formulaires, de jeux vidéo ou de wikis. Voilà des projets qui sont accessibles à presque n’importe qui, que ce soit en collaboration avec un organisme, dans un musée, une école ou en bibliothèque. Il ne tient qu’à vous de vous créer une mapropreBOX!

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