Par Marie-Helene Lamy
Museomix c’est quoi?
Museomix c’est un rendez-vous annuel réunissant une communauté diversifiée de professionnels, d’amateurs et d’usagers qui ont pour intérêt commun la culture et les nouvelles technologies. Museomix, c’est un évènement qui a lieu sur une période intensive de trois jours où « tout curieux et volontaire peut devenir museomixeur » (Museomix, s.d.). Pour un moment, l’espace muséal devient un lieu de création et d’innovation destiné à l’expérimentation de prototypes de médiation. Cette rencontre annuelle réunit une communauté multidisciplinaire qui a pour objectif de redéfinir le musée à l’ère des nouvelles technologies en mode « user-experience ».
La première édition a eu lieu en 2011 au Musée des arts décoratifs de Paris. L’évènement aujourd’hui d’envergure internationale s’est déployé en 2015 dans 10 musées répartis dans 5 pays à travers le monde, dont la France, la Belgique, le Canada, la Suisse et le Mexique. L’évènement se déplace d’une année à l’autre dans différents musées. Au Québec, elle a eu lieu du 6 au 15 novembre au Musée des arts contemporains de Montréal et au Musée national des beaux-arts du Québec. Tout au long de l’année, Museomix constitue une communauté internationale ouverte et vivante qui évolue sur le Web sous différentes thématiques.
L’institution muséale en mode techno
En phase avec sa mission fondamentale, l’institution muséale est au service de la société. Le musée est chargé de transmettre le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité. Au-delà des fonctions premières du musée que sont la recherche, l’acquisition, la conservation et la communication, on constate depuis quelques années que ceux-ci cherchent à se redéfinir. L’évolution des modes de communication et l’usage des nouvelles technologies au quotidien suggèrent de nouvelles approches dans leur rapport avec leurs usagers.
En ce sens, la professeure d’histoire de l’art à l’UQAM et commissaire d’exposition Marie Fraser souligne dans un texte publié en 2015 la situation présente :
« Au cours des dernières années, l’exposition est devenue le lieu d’une exploration sans précédent de la part des artistes, des commissaires et des musées. (…) l’exposition est aujourd’hui l’objet d’une réflexion critique où ses fonctions, ses dispositifs, ses discours et son histoire sont examinés. » (Fraser, 2015, p. 5)
Le phénomène Museomix contribue à cette réflexion globale sur les musées. Ainsi, les conservateurs, les médiateurs et les autres professionnels du musée ont choisi d’ouvrir les portes dorées de l’institution muséale en donnant accès à leurs collections d’archives, aux lieux physiques d’exposition, aux documents, etc. On ouvre ainsi la réflexion non seulement au niveau des universités ou des artistes professionnels, mais on la situe aussi dans son contexte d’utilisation. La place publique qu’est le musée devient l’agora d’une joute technologique propice à l’élaboration de projets novateurs.
L’utilisateur n’est plus simplement invité à la contemplation, il devient acteur de changement en investissant les lieux de l’institution pour un moment. Celui-ci est invité à expérimenter différentes approches de médiation culturelle alliant savoir et savoir-faire technologique. Pour ce faire, les participants ont accès à des outils technologiques pour réaliser leurs projets en équipe sous différentes thématiques. Certains d’entre eux auront par la suite une influence directe sur l’implantation de nouveaux modèles de médiation dans les musées.
Axé sur la participation collaborative, Museomix fait éclater les frontières entre utilisateurs et institutions en créant un contexte favorable à l’émergence de nouvelles idées pour « faire avancer la vision d’un musée ouvert, vivant et en réseau » (Museomix, s.d.).
Muséologie et Sciences de l’information
On se questionnera peut-être à la lecture de cet article sur le lien entre Museomix et les sciences de l’information. D’une part lorsqu’on observe la provenance des étudiants à la MSI, on réalise rapidement que nous évoluons dans un univers multidisciplinaire. Lorsqu’il est question de frontières entre les disciplines, celle entre la muséologie et les sciences de l’information est plutôt friable. Les deux disciplines ont plusieurs points en communs dont la diffusion, la médiation et la conservation, pour n’énumérer que ceux-ci.
Dans un article traitant de la formation et des disciplines intitulé : « La muséologie au sein des sciences de l’information : utopie ou valeur ajoutée ? », les auteurs Elaine Ménard et Joan E. Beaudoin qui sont professeurs à la School of Library and Information Science de McGill font état de « la place qu’occupent le contenu muséologique de même que l’intérêt de son intégration au sein des programmes en SI ». Les auteurs effectuent la comparaison entre les deux disciplines et constatent que les professionnels de ces deux champs de pratique « travaillent généralement avec les mêmes communautés d’usagers ou de visiteurs et, surtout, effectuent souvent des tâches similaires ». Ménard et Beaudoin considèrent l’ajout de la muséologie au sein des sciences de l’information comme une valeur ajoutée : « cet ajout assure aux diplômés une plus grande polyvalence à leur arrivée sur le marché du travail » (Ménard, Beaudouin, 2015, p. 77).
D’ailleurs, à ce sujet, il est pertinent d’ajouter la réflexion de l’archiviste Carole Couture (ancien directeur de l’EBSI) lors de la conférence prononcée dans le cadre du cours d’introduction aux sciences de l’information cet automne. Carol Couture a affirmé le souhait d’un rapprochement et d’une collaboration entre les deux disciplines. (Couture, 2015)
Enfin, mentionnons qu’au cours des années 2013 et 2014, dans le cadre du Master en Architecture de l’information de l’École Normale Supérieure de Lyon, les étudiants ont participé au développement d’une nouvelle architecture de l’information pour Museomix (Salaün). Le cours de gestion de projet était donné par Jean-Michel Salaün, également professeur à l’EBSI.
En conclusion, Museomix c’est quoi ? Au-delà de l’expérience utilisateur, l’évènement Museomix témoigne d’une certaine ouverture de la part du milieu muséal. En ce sens, il s’agit d’une opportunité de croiser les deux disciplines pour faire la démonstration d’un exemple concret de collaboration entre la muséologie et les sciences de l’information.
En 2016, serons-nous de la partie ?
Bibliographie :
Fraser, M. (2015). « L’exposition2 : Qu’est-ce qui fait exposition dans l’exposition ? » Dans esse arts + opinions, (84), p. 4 13. Repéré à :
http://id.erudit.org/iderudit/73796ac
Ménard, E. et Beaudoin, J. E. (2015). « La muséologie au sein des sciences de l’information : utopie ou valeur ajoutée ? ». Dans Documentation et bibliothèque, 61(n 2-3), p.76 84. doi : /10.7202/1032812ar
Museomix. (s. d.). Repéré à: http://www.museomix.org/
Salaün, J.-M. (s. d.). En attendant la rentrée… [Billet]. Repéré à : http://archinfo01.hypotheses.org/